La Côte d’Ivoire fait de la prévention du suicide une priorité
Abidjan – Le gouvernement ivoirien prend à cœur les questions de santé mentale notamment celle relative au suicide. Dans cette dynamique, le pays s’est doté d’un plan stratégique national de santé mentale 2023-2025. Parmi les actions prioritaires, la prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes.
Dans un entretien, le Professeur Asseman Médard Koua, Directeur coordonnateur du Programme National de Santé Mentale, se prononce sur la prévalence du suicide en Côte d’Ivoire, le programme de prévention, les perspectives et les défis liés au secteur de la santé mentale dans le pays.
Quelle est la prévalence du suicide en Côte d’Ivoire ?
En 2021, une étude de prévalence du suicide (cas colligés entre 2019-2021) a été financée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pourque nous puissions avoir des données factuelles sur les conduites suicidaires en Côte d’Ivoire.
Les principaux résultats de l’étude indiquent que 418 cas de suicides et 927 cas de tentatives de suicide sont notifiés dans la période allant du 01 janvier 2019 au 31 décembre 2021. Les franges d’âge les plus observées pour le suicide étaient celles des adultes de 35 à 59 ans (46,31 %), des jeunes adultes de 25 à 34 ans (25,36 %) et des adolescents de 10 à 24 ans (19,17%).
Pour les tentatives de suicide, il s’agissait principalement des adolescents de 10 à 24 ans (30,54 %), jeunes adultes de 25 à 34 ans (30,51 %) et adultes de 35 à 59 ans (22,65%). Les artisans (34,19 %) puis les élèves et étudiants (28,65 %) étaient les plus représentés.
A l’issue de cette étude, nous avons mis en place le projet de prévention du suicide pour mieux faire face à ce fléau qui gangrène la jeunesse ivoirienne.
Parlez-nous du projet de prévention du suicide que le pays exécute avec les jeunes et adolescents.
La Prévention du suicide se comprend à l’aune de l’initiative nationale en matière de promotion de la santé mentale des adolescents et jeunes qui constituent plus de 75 % de la population ivoirienne. Il s’agit de l’Initiative Santé Mentale ADO Jeunes, qui est un pôle d’intervention stratégique de la Direction de Coordination du Programme Nationale de Santé Mentale (DC-PNSM).
A cet effet, l’Initiative Santé Mentale ADO Jeunes est d’abord un cadre institutionnel pour susciter l’engagement citoyen et civique des jeunes au service de leurs pairs en matière de plaidoyer, de développement d’une éducation et d’amélioration de la littératie en santé mentale. L’autre volet est la mise en fonction d’un dispositif national d’assistance psychologique et de prévention du suicide en ligne.
Ce projet (Initiative Santé Mentale ADO Jeunes) s’inscrit dans le cadre du plan stratégique national de santé mentale 2023-2025. Il est une inspiration du projet d’implémentation de l’Initiative LIVE LIFE de l’OMS et du Programme conjoint santé mentale des enfants et adolescents OMS/UNICEF. A la suite d’une série de décès par suicide en milieu scolaire et universitaire, le projet a été mis en œuvre en toute urgence, avec entre autres, la mise à disposition d’une ligne verte.
La ligne verte, comment contribue-t-elle à la prévention du suicide dans le pays ?
Depuis mars 2023, dans la phase initiale, l’équipe du centre d’appel à travers le 143 du Ministère de la Santé, de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle a été renforcée à l’effet de constituer la première ligne en aide psychologique de base. Les bénéficiaires sont orientés vers l’équipe de psychologues vacataires rattachés à la DC-PNSM. Les services offerts sont anonymes et entièrement gratuits avec une disponibilité cinq jours sur sept.
A ce jour, au moins 250 jeunes dont 5 % avec des idées suicidaires ont bénéficié d’une prise en charge psychologique en ligne via le dispositif Centre d’appel 143 et l’équipe d’assistance psychologique d’urgence du PNSM.
A terme, il s’agira d’obtenir un numéro vert dédié à l’assistance psychologique pour une meilleure couverture des services.
Quels sont les résultats obtenus particulièrement en termes de couverture des cibles ?
De manière générale, on note une prise en compte de la composante santé mentale et soutien psychosocial dans les activités des organisations de jeunesse (Conseil National de la Jeunesse de Côte d’Ivoire, Parlement des Jeunes, U-REPORT, Jeunes Reporters, etc.). Des panels sont co-organisés par les ONG de jeunes sur la thématique de la prévention du suicide.
Nous misons sur une approche communautaire car elle permet de lutter efficacement contre les préjugés et les pratiques qui entravent le recours aux soins appropriés telles que l’enchaînement, l’enfermement, le rejet familial et la stigmatisation. Cette approche vise également à mobiliser les ressources pour les besoins des malades, leur résilience et à engager les communautés y compris les communautés virtuelles des jeunes par la formation de groupes de pairs avec une meilleure sensibilisation, une bonne éducation et un bon référencement vers les mécanismes et les professionnels indiqués.
Comment l’OMS accompagne-t-elle le pays dans le domaine de la santé mentale ?
L’appui du bureau OMS Côte d’Ivoire se situe au niveau de la mise à disposition et de la diffusion de lignes directrices, le financement d’ateliers d’élaboration et de validation de lignes directrices contextualisées ainsi que le renforcement des actions transformatrices en matière de promotion de la santé mentale et de prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes.
Grâce à un financement de l’Union européenne, le Bureau de l’OMS a mobilisé des ressources dans le cadre d’un programme conjoint avec l’UNICEF. Ainsi, un appui financier et technique du bureau a été fourni à l'élaboration du Plan Stratégique National de Santé Mentale 2023-2025, qui est un plan intermédiaire.
L’Organisation a appuyé le renforcement des capacités de la DC-PNSM dans le cadre du Programme Conjoint. Un plan de travail dédié a été développé et permet le financement des activités de renforcement des services de santé mentale et soutien psychosocial notamment dans les régions sanitaires du Nord du pays où l’on note une importante vulnérabilité.
Quels sont les défis et perspectives ?
Aujourd’hui, notre plus grand défi est la mobilisation de ressources pour appuyer notre pays en matière de renforcement du système de santé mentale publique et assurer le plaidoyer pour un financement national et domestique du système et des services de santé mentale.
Nous fournissons des efforts en approvisionnement de médicaments psychotropes et antiépileptiques de qualité pour les rendre accessibles aux populations vulnérables.
En termes de perspectives, nous pouvons citer l’instauration d’une ligne verte dédiée à la santé mentale et à la prévention du suicide est un grand atout pour la santé mentale dans notre pays. L’intégration des activités de santé mentale et de soutien psychosocial dans le paquet d’activités des centres de santé et centres sociaux éducatifs de base et la mise en place d’un mécanisme d’alerte précoce et de surveillance épidémiologique de terrain sur les conduites suicidaires font aussi partie des perspectives.
Nous notons également le recrutement de psychologues pour fournir des services de qualité, à moindre coût et disponible partout et surtout pour assurer la veille psychologique sur les réseaux sociaux.
La prévalence du suicide au sein des adolescents et jeunes est inquiétante. Nous ne ménagerons aucun effort pour les protéger et assurer un traitement de qualité à ceux qui sont dans le besoin. La prévention est une arme redoutable contre le suicide et nous mettons tout en œuvre pour toucher les jeunes où qu’ils soient.
Merci.
Mobile : 00225 07 57 06 07 65
E-mail : ntakpey [at] who.int (ntakpey[at]who[dot]int)
Chargée de communication
Bureau régional pour l'Afrique
Email: lawsonagbluluf [at] who.int (lawsonagbluluf[at]who[dot]int)